Quadrille au Néouvielle
Le quadrille au sommet : Nous avons bien sûr retiré nos masques à oxygène pour la photo.
Après un hiver pauvre en neige, nous avons traversé quelques semaines de temps pluvieux et frisquet. Voilà qui laissait espérer que les sommets pyrénéens aient retrouvé leur blanc velours. J’avais organisé quelques sorties de randonnée à ski de fond cet hiver, et c’était là la première excursion à ski de rando que j’organisais au CMB. Merci à Laurent qui m’en a donné la possibilité. Elles furent trois, Marion, Anne-Séverine et Frédérique à penser que c’était tout de même une bonne idée d’aller faire du ski de rando sur les pentes du Néouvielle pendant que d’autres sortaient les maillots de bain...
Le refuge d’Aubert était fermé contrairement aux années précédentes. Heureusement (car il pleuvait dru) j’avais mes entrées dans une cabane rustique mais fort solide quelques kilomètres plus bas. Partage de petits plats et de cuisine « traditionnelle »... instantanée.
Nuitée tout confort. Les loirs et souriceaux ne sont pas venus grignoter nos pique-niques. Au matin, la montagne est toute humide de la pluie de la nuit mais déjà la brume s’estompe et laisse apparaître sa majesté Néouvielle et monseigneur Ramougn.
Le début de l’ascension consistait à louvoyer entre les îlots de rochers pour garder une neige continue et éviter de déchausser. Deux ou trois petits portages sur quelques dizaines de mètres, ce n’était pas si mal pour la saison.
Passé la brèche de Barris d’Aubert, grand spectacle : la brèche de Chaussenque avec son Campanal du Néouvielle. Des Aiguilles de Chamonix en modèle réduit. Attention, piège : fascinés par ces splendeurs, nous pourrions ne pas prendre garde à ce passage de dix mètres, facile mais bordé par l’abîme. Nos skieuses ont le pied sûr...
Un groupe d’espagnols « musclés » nous a précédé : ils estropient les virages qu’ils nous faut rallonger pour garder une pente régulière et confortable. Mes trois camarades sont en pleine forme et maîtrisent bien leurs skis. Le temps est magnifique, mer de nuages. Le Néouvielle joue avec des écharpes de brume comme un foulard de dentelles. Enfin nous approchons de l’arête sommitale.
Je contourne soigneusement une corniche et m’installe en lieu sûr, mes amies aussi. Le gars qui me suis, quant à lui, s’avance jusqu’au bord de la corniche « pour voir » comme un enfant qui met les doigts dans la prise...On a beau lui dire ! Si le lac d’Aubert est au printemps, le sommet du Néouvielle est encore (ou de nouveau) en hiver : l’arête est enneigée.
Ambiance... piolet, crampons ne sont pas un luxe ici.
C’est pas tout ça mais il nous faut redescendre pour aller au restaurant. Il y a pas mal de randonneurs. Ils sont très attentifs et les croisements se font en sécurité, ça fait plaisir.
Après un bref casse-croûte, nous nous lançons dans la descente à ski cette fois.. C’est le premier virage qui compte... Mes trois amies dessinent sur la neige en virtuoses. Dans la première partie où la neige est lourde, je fais un peu du « sous-marin » avec mes skis étroits. Ensuite la neige se raffermit, elle devient de la vraie « neige de printemps » flatteuse parce que facile.
Au dessous, le lac d’Aubert se dégage de sa banquise hivernale et se pare de turquoise.
De nouveau, navigation à vue pour bien repérer l’enchaînement des névés et profiter le plus longtemps des skis et nous voilà arrivés sur le gros banc de neige qui longe le barrage d’Aubert.
Il fallait y croire et nous en avons été récompensés.
Nous élever à la sueur de notre front (et plus...) vers ces cimes qui ne nous ont rien demandé. Nous sentir forts en même temps que fragiles. Etre pleinement attentifs aux autres, aux éléments. Caresser ce blanc manteau; y faire un beau virage ou bien un « soleil » ! Etre une trajectoire. Etre enivrés de beauté. Cela transforme, on ne sait comment ou bien comment le dire... C’est pour cela que je « fais de la montagne » : pour ce que cela me fait, pour ce que cela fait de nous.
Yves Saliba