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Enfants de la Dalle


22h... dernier relais, le sommet est enfin à portée. Les lueurs des frontales éclairent faiblement notre progression sur l'arête. Alaric arrive, puis Damien, suivi aussitôt par Yann qui se vache, Laurie au bout de la corde. « Ca y est ? C'est fini ? » De nuit, grimper à la frontale, mais comment diable en sommes-nous arrivés là ?

C'est un peu l'histoire d'une idée, proposée comme ça un soir entre copains. Joséphine à Orlu comme point de départ. Ma foi, y a les Enfants de la Dalle juste à côté, beaucoup plus jolie dans son style, une belle course, 26 longueurs soutenues dans le 5, avec un passage clé en 6a+, déjà réalisée il y a quelques années. Yann et Laurie, chauds comme la braise. Damien, Alaric, vous venez ? Et moi, fort de mes souvenirs, bah oui, en partant tôt, ça doit passer !

Voilà comment on s'est retrouvé à cinq à attaquer la marche d'approche au pied de la Face Sud-Est d'Orlu à 5h45 du matin. Belle bavante pour réveiller les muscles. On met du temps à identifier le départ de la voie, les marquages quelque peu effacés par les années, les yeux s'évertuant à chercher des spits dans cette grande face lisse.

Bien sûr, on pourrait décrire chaque longueur, tellement l'escalade y est belle ! Et les points éloignés, eu égard à notre niveau et notre mental ! Pour résumer et comme son nom l'indique, ici, c'est de la dalle !

Encordés à trois devant, avec Damien et Alaric, on alterne la tête toutes les 3-4 longueurs, suivis par Laurie et Yann en réversible.

Les longueurs s'enchaînent, les leaders aussi, le temps de reposer le moral qui s'émousse comme un lichen entre les points engagés. Et comme ils sont lourds ces sacs avec ces litres de flotte à porter ! On se congratule à chaque longueur avalée. Yann et Laurie, toujours tout sourire, malgré l'effet accordéon de notre configuration, ont l'air de randonner ! L'heure tourne mais ça avance.

La longueur clé arrive. « Hmpf ! Tire sur la dégaine, hop, chope la suivante ! » On a beau tirer au clous, il est haut le point suivant ! Bref, on laisse tous un peu de jus. Et l'heure tourne toujours... mais ça avance !

16h, l'arête se dessine, enfin à portée, voilà, c'est la 18ème longueur, un petit 5sup, puis selon les topos, les compte-rendus et mes souvenirs, il devrait nous rester 2-3h d'escalade, à alterner longueurs et corde tendue.

Et l'heure tourne ! Mais voilà, ça n'avance plus comme sur les topos ! Les sourires brillent toujours sous nos casques, mais les traits sont tirés et nos visages tendus. La fatigue est là, rendant moins sûrs les gestes et ralentissant notre progression. Dans cet état et encordés à trois sur ce fil granitique, on abandonne là toute idée de corde tendue, Yann et Laurie nous emboîtant le pas. Et nous voilà partis pour un long enchaînement de longueurs, alternant Spits et becquets en guise de points d'assurance.

On a bien dû tirer 6 longueurs de plus que le topo, observant, impuissants, le ciel changer de couleurs puis le soleil disparaître à l'horizon. Les frontales ressortent des sacs, le moral en prend un coup. On erre sur cette arête, imaginant le cheminement, cherchant des points. « Et si on réessayait corde tendue ? », « C'est le dernier relais ? », « Et si on dormait là ? »...

Voilà, comment à 22h, un dimanche soir, on se prend en photo, penauds, à côté du cairn sommital de la Dent d'Orlu. Il ne nous reste plus que la descente jusqu'à la poêle à frire, où une voiture déposée judicieusement la veille nous attend (Et dire qu'à l'origine, je voulais redescendre tranquillement jusqu'aux Forges d'Orlu!). Indemnes, on souffle, et on a matière à méditer sur cette mésaventure, nos responsabilités les uns envers les autres, l'excès d'optimisme, une cordée de trois, l'expérience,... de quoi nous occuper les jours à venir !

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