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Accropentes et cairnivores au Néouvielle


Fondra, fondra pas ? La neige fut pleine de surprises cette année. Fin avril c’était l’été. Fin mai v’là l’hiver. Juin la neige fond à grande vitesse sous l’effet d’un vent torride et nous voilà presque comme fin juillet en d’autres temps.

Nous partîmes cinq pour « apprendre à marcher ». A marcher ! C’est pourtant simple ? La voiture pleine à craquer, nous nous sommes laissés tenter par une nuit au « château Manon » à Saint-Lary. Cela nous fit prendre un peu de retard mais il n’y avait de toute façon guère d’espoir d’une neige dure avec cette chaleur.

Mise en jambes Pour nos exercices accropentesques, mon névé préféré est celui dit « de la faucille » que j’atteignais précédemment au départ de la Glère. Mais c’est bien long. Cette fois je tentais de passer par les hourquettes d’Aubert et de Mounicot. La disparition trop rapide des névés nous confronta à de ces pénibles chaos dont le Néouvielle a le secret. Trop fastidieux, finalement nous avons jeté notre dévolu sur un névé qui nous tendait les bras. Quelques explications pour faire du « rangement dans la tête », puis ancrer tout ça dans les papattes en arpentant le névé. Epreuve suprême : marcher sur une pente un peu raide avec un « méchant caillou » en dessous. Un petit frisson ? On dépasse cela et on s’aperçoit que l’on sait faire. Demain, cet apprentissage portera ses fruits. Le paysage est magnifique, on ne le dira jamais assez. Nous voyons des grimpeurs engagés dans la Crête de la Mourelle, leurs silhouettes se détachants à contre-jour et parlant gastronomie (« avales », « du mou »). La Mourelle fut ma première course en escalade, j’avais 15 ans ... Retour harassant. Ah, ce bain de pieds dans le lac d’Aubert, l’extase.

Le grand jour Lever aux aurores. Un peu de fébrilité ? Le pic de Néouvielle est impressionnant avec ses parois abruptes, ses pentes de neige qui, vues de face, semblent très raides . Nous sommes loin d’être seuls. Un groupe d’une vingtaine nous précède et s’engage...sur le mauvais chemin. Il ne faut pas se fier au nombre. Notre chemin, moins couru, est bien plus agréable, montant progressivement parmi les pelouses et les bouquets de rhododendrons. Manon, gambade. J’ai beau savoir par où on doit passer nous faisons face à une épidémie de cairns et nous voilà dix mètres au-dessus de la brèche de Barris d’Aubert. Grrr... La neige a beaucoup fondu, nous allons devoir traverser un chaos, on se croirait fin juillet. Premiers névés faciles, puis nous voilà au pied d’un qui est un peu plus raide mais en réalité sans danger car peu pentu en bas.

Nous montons en nous servant des techniques apprises la veille. Mes débutants sont concentrés, c’est une situation nouvelle pour eux mais ils découvrent qu’ils savent faire. Surgit la question (judicieuse) : « Et on devra redescendre par là ? ». « Oui, mais d’ici là, vous verrez que cette descente vous fera rire tellement vous la trouverez facile. »

Pendant ce temps, le groupe de 20 chausse les crampons...sans piolet bien sûr. Tout au long de l’ascension nous verrons défiler un échantillon de toutes les erreurs sur une bonne centaines de personnes. Chaque groupe a sa manie : Il y a les « crampons + bâtons », les « crampons et c’est tout ». Il y a les « rien du tout, dès fois que ça marcherait » : c’est encore eux que je préfère, au moins ils n’ont aucune prétention. Il y a même les « crampons + piolet lame-interne » candidats au « sepuku ». Je passe sur les piolets fixés dans tous les sens sur les sacs, menaçants. Mais j’entends mes oreilles siffler....probablement ces personnes critiquent-elles aussi notre façon de faire ou de nous habiller. On est toujours le barbare d’un autre. Peu avant le ressaut final, et à la demande générale, je fais chausser les crampons, histoire qu’ils sachent comment ça fait. Du coup on troque les bâtons pour le piolet. On arrêtera ce jeu dès qu’on rencontrera nos premiers cailloux, il ne faut pas abuser ! Les autres touristes continueront en massacrant leurs crampons....

Nous voyons des touristes monter par la crête, et même d’autres complètement égarés dans la face verticale (!) mais personne par la voie que je sais être la meilleure (la cheminée) encore une fois, il faut convaincre pour s’arracher à la tentation de Panurge. Chaos, puis ascension de la fameuse « cheminée » qui n’en est pas une. Là, mes p’tits gars-z-et-filles dont certains sont de forts grimpeurs sont estomaqués par la hauteur, le vide. J’avais oublié ça. C’est vrai que j’avais été moi aussi très impressionné la première fois, c’était il y a longtemps !

Arrivée au sommet. -« Houlàlà, c’est haut » Echange de photos. Il y a un peu la foule, fort sympathique d’ailleurs. Il est question de manger mais mes camarades, pour retrouver leur appétit, ont envie d’être redescendus de cette cheminée qui les tracasse.

Casse-crôute, repos. Il fait chaud. La vue est somptueuse. Les lacs d’Aubert, Aumar, les Laquettes, le pic du Midi, le vallon de la Glère et les névés du Néouvielle.... La neige a ramolli. Je talonne consciencieusement pour faire une trace tout confort (cela me réveillera une vieille blessure, ouille !). Dès qu’il n’y a plus de danger (aucun risque de heurter un rocher en cas de glissade), je propose de descendre direct en ramasse piquée-marchée puis glissée. Chacun est différent : l’un essaye, l’autre se rassure en restant sur le chemin.Entre ce moment et la fin de la descente des névés, chacun, plus ou moins vite, aura appris à appliquer la bonne technique pour sa sécurité. V’là le fameux névé pentu-qui-fait-vachement-peur : on révise la position d’arrêt bâtons-piques et on y va.

Marina glisse et s’arrête en bâtons-piques : elle a compris qu’elle peut se faire confiance. Sur la fin les voilà à prendre les derniers névés pour le plaisir alors qu’il y a le chemin à coté. C’est gagné, quel bonheur !

Arrivée à Aubert pour un plouf (partiel ! ) dans l’eau fraîche...

L’embarras du choix - Les cairns : Ils sont (ou devraient être) le moyen d’indiquer le bon chemin. Au Néouvielle, avec les années chacun a caïrné un chemin de sa fantaisie, ni sûr, ni optimal. Alors, il se suffit plus de suivre les caïrns pour être sur le bon chemin, il faut vérifier d’abord si ce sont les bons cairns et pour cela il faut prendre du recul, comprendre le terrain. - Les techniques : En l’absence de démarche scientifique ou du moins objective, chaque « guide » bénévole incite ses suivants à l’imiter sans autre argument que celui de son autorité. Et comme le Néouvielle est assez facile, n’importe quelle technique y semble marcher. Ainsi, ses suivants se retrouvent affublés d’habitudes, de « cairns mentaux » dont ils auront le plus grand mal à se défaire. Que ce soit les cairns ou les techniques, le plus pratiqué, le plus visible n’est pas toujours le meilleur.

Epilogue Manon, merci pour ton accueil. Pierre merci pour ton voiturage. Manon, Pierre, Marina, David merci de m’avoir accordé votre confiance et votre attention pour ces deux jours de découverte. Deux jours ne suffisent pas pour tout connaître, d’autant que la neige était « trop facile ». Il vous faudra compléter par des entraînements sur neige dure. Mais l’essentiel, vous l’avez compris, est de ne pas suivre n’importe quel « cairn », surtout quand il refuse de vous dire pourquoi il est planté là. Le reste vous saurez l’inventer. Bonnes et belles randonnées.

Amitiés Yves Saliba (crédit photos : Pierre, Marina)

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